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Cachez ces militants démocrates que je ne saurais voir. Le 10 août, sur son réseau Truth Social, Donald Trump a accusé sa rivale Kamala Harris d’avoir truqué les photos de son arrivée à l’aéroport de Detroit, où elle tenait meeting avec son colistier Tim Walz. « Il n’y avait personne à la descente de l’avion, et elle l’a trafiqué par IA, et montré une vaste “foule” de soi-disant supporteurs, MAIS ILS N’EXISTAIENT PAS », affirme l’ancien président américain. « C’est comme ça que les démocrates gagnent les élections, en TRICHANT, et ils sont encore pires dans les urnes », ajoute le candidat républicain, qui continue d’assurer que la victoire électorale de son rival Joe Biden en novembre 2020 a été « volée ». Dans son message, il réclame que la vice-présidente soit « disqualifiée » pour cette « fausse image » qui constitue une « interférence électorale ».
Donald Trump cite l’analyse d’un militant trumpiste, qui explique que la foule ne se reflète pas dans la carlingue de l’avion, ce qui constituerait la preuve que le public a été ajouté numériquement. Mais la vidéo de la scène prise par le directeur de campagne de Kamala Harris, tout comme les nombreux reportages de médias locaux et nationaux américains permettent de résoudre aisément cet apparent paradoxe : les nombreux militants démocrates se trouvaient dans un hangar en retrait du tarmac. Photographiés de dos, à la longue focale, ils apparaissent bien plus proches de l’appareil qu’ils ne le sont réellement, comme le détaille une reconstitution en 3D. Le fuselage de l’avion étant cylindrique, il ne renvoie qu’un reflet écrasé à peine perceptible. Un effet d’optique que Donald Trump a interprété de manière erronée comme un tour de magie réalisé par intelligence artificielle.
Mais si la photo présente des signes de HDR (high dynamic range, ou plage dynamique étendue, un traitement numérique automatisé corrigeant les contre-jours), elle ne comporte « aucune preuve de génération par IA », écarte Hany Farid, professeur de sciences informatiques à l’université de Berkeley et spécialiste des retouches visuelles. « C’est une vraie photo d’une foule de 15 000 personnes », a rétorqué, un brin narquois, le compte officiel de campagne de Mme Harris, sans parvenir à convaincre le camp adverse.
Les partisans du milliardaire républicain ont décliné l’accusation et multiplié les publications suspicieuses sur les réseaux sociaux, images zoomées et cercles rouges à l’appui, pour affirmer que tel ou tel visage, tel ou tel bras difforme d’une photo de meeting seraient le signe d’un public généré artificiellement.
« Kamala Harris est si impopulaire qu’ils ont besoin d’utiliser l’IA pour feindre de grandes foules à la télé pour ses meetings », assure ainsi un internaute pro-Trump. « Est-ce que ces visages et ces mains vous semblent réels ? C’est bidon. Tout est bidon », surenchérit une autre. A la fin de juillet déjà, la journaliste de CNN avait dû se défendre d’avoir trafiqué une photo, prise avec son iPhone, d’une file de démocrates à une collecte de fonds.
La plupart de ces accusations s’appuient sur des détails extrêmement zoomés, montrant souvent des visages flous, voire difformes. Là encore, l’explication est technique : à partir d’un certain degré extrême d’agrandissement, le nombre de pixels de l’appareil n’est plus suffisant pour reproduire en finesse des détails aussi fins qu’un visage.
Ce genre de limite est connue des utilisateurs d’iPhone : faute de véritable zoom optique, la plupart des smartphones modernes s’appuient sur des algorithmes pour extrapoler les détails des objets très éloignés. S’ils donnent le change de loin, de près, ils présentent de nombreuses aberrations.
Les attaques conspirationnistes récentes et répétées de Donald Trump et de ses partisans trahissent surtout l’incrédulité du milliardaire face à la dynamique de campagne de Kamala Harris, désormais en tête des sondages dans plusieurs swing states, ces Etats indécis souvent décisifs dans l’issue du scrutin.
Face à ces vents contraires, le candidat républicain continue à se vanter de sa popularité. « Personne n’a jamais parlé à d’aussi grandes foules que moi », a-t-il assuré lors d’une conférence de presse, jeudi 8 août.
Donald Trump a même affirmé avoir attiré, le 6 janvier 2021, devant la Maison Blanche, plus de monde que Martin Luther King lors de son célèbre discours « I have a dream », en 1963. En réalité, la foule était environ cinq fois moins nombreuse, corrige The Telegraph.
Par le passé, il est déjà arrivé que des militants démocrates partagent des photos truquées. En mars, une fausse photo mettant en scène un meeting de Trump devant une foule grossièrement multipliée par quatre avait circulé. Ce genre d’exemple demeure néanmoins marginal, et ne repose pas sur l’IA, mais sur de banales techniques de duplication d’image.
En parallèle, d’authentiques truquages côté pro-Trump reposent bel et bien sur la génération par intelligence artificielle. C’est le cas d’un récent deep fake (un faux généré de façon algorithmique) attribué à la Russie par le média de lutte contre la désinformation Newsguard, deep fake dans lequel une voix reproduisant celle d’Obama affirmait que la tentative d’assassinat de Donald Trump avait été commanditée par le Parti démocrate.
Plus récemment, Elijah Schaffer, journaliste pour le média d’extrême droite The Gateway Pundit, s’est aussi amusé à partager une image de foule trumpiste, qui, elle, a tous les traits d’une photo générée par IA.
William Audureau
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